Ce témoignage a été apporté par une abonnée de ma page Instagram. Elle y relate son expérience de la Communication Non Violente, expérimentée dans le cadre d’une formation professionnelle.
» Je suis quelqu’un de très engagée dans ma profession. Je suis passionnée par mon travail. J’adore ce que je fais. Généralement, quand il y a des formations, je suis toujours partante pour pouvoir améliorer mes pratiques.
C’est dans cette dynamique-là que je me suis retrouvée à adhérer à des croyances qui concernaient en réalité la Communication Non Violente (la CNV). Dans le cadre de mon travail, j’avais rencontré une coach en CNV qui proposait des formations individuelles et collectives. Comme ça m’intéressait, et que je devais utiliser des crédits de formation, j’ai demandé à mon entreprise de me payer une formation sur le 1er module. Mon objectif était d’apporter cet outil dans mon entreprise : dans ma pratique et dans la communication avec mes collègues.
A cette période, on traversait une période de crise (restructuration) et il y avait beaucoup de conflits. La CNV m’a été présentée par la coach comme un outil qui m’aiderait et nous aiderait à mieux gérer cette période de crise.
Je m’en veux énormément d’avoir payé cette formation avec mes crédits de formation, en pensant au coût qu’elle représente.
Dès le premier jour de la formation, j’ai eu des signaux d’alerte. C’était pour moi déjà trop tard car mon entreprise en avait payé une partie. Il y avait une obligation à honorer cette formation, à aller jusqu’au bout. Je ne me voyais pas l’ interrompre.
La coach a commencé à me faire faire des exercices de méditation de pleine conscience, soi-disant, pour me mettre en condition. Ceci avant même de parler de ce pour quoi j’étais là : la CNV.
Quand j’ai voulu travailler sur des « cas pratiques », c’est-à-dire des situations concrètes rencontrées au travail ( droit du travail, harcèlement, mépris…) , pour m’exercer aux techniques enseignées, la coach me ramenait à mes sentiments, et à comment je pouvais être plus à l’écoute de ceux de ma responsable (qui était à l’époque très méprisante et harcelante).
On avait une direction qui ne comprenait pas du tout, ce que leurs mesures allaient engendrer et impliquer en terme de de conditions de travail, ni les risques psycho-sociaux que cela allait générer. Pendant ces négociations, on essayait de faire comprendre à la direction les risques, et que leurs mesures allaient impacter non seulement notre travail mais notre vie.
Mais la coach continuait de me renvoyer aux émotions de mes responsables : « Qu’est-ce qu’ils ressentent ? Quels besoins expriment-ils ?… » de manière à ce que je sois plus en empathie avec ces personnes-là. Je trouve ça d’une violence terrible. D’ailleurs, dans les années qui ont suivi plusieurs collègues ont eu des accidents, ont démissionné, ont fait des dépressions, ont connu des divorces…
Sur le moment, je n’en ai pas eu du tout conscience. Je me suis juste dit qu’en définitive la formation ne me serait pas très utile dans mon travail, du moins pas dans ce genre de situations. J’ai vécu une dissonance cognitive, parce que j’ai essayé d’y trouver quand même un intérêt, un léger bénéfice.
C’est pour dire, que même quand on est expert dans un domaine, mais que l’outil semble validé par tous dont une entreprise, que les formations sont financées par l’état, c’est très difficile de prendre conscience que ça ne marche pas.
Même si je me suis rendue compte très vite que la CNV, ce n’était pas la révolution du siècle, je ne m’étais pas rendue compte à quel point cela pouvait même être hyper dangereux et hyper violent pour les personnes avec qui on essaierait de l’utiliser.
Pour moi, cette formation était surréaliste. Donc, je l’ai laissée tomber dans la pratique de mon travail, mais ça laisse des traces. J’aurai pu me discréditer complètement d’un point de vue professionnel alors que je suis quelqu’un de reconnu dans mon travail.
Pour montrer à quel point c’était vraiment une tentative d’emprise et de dérives sectaires : en plus de la formation, il y avait toujours quelque chose à acheter. D’après la coach : « C’est vraiment indispensable que tu lises tel livre du fondateur…Ah ! Et il y a ce livre très complémentaire qui approfondit…et il y a ce livre adapté à ton domaine… », etc. Donc, je me retrouve à acheter un livre, deux livres, trois livres…
Et puis : « Ah, et il y a cette conférence qui est super !…il faudrait que tu viennes à telle rencontre de spécialistes…Si tu veux être officiellement coach en CNV il faut que tu adhères à l’association…Et il faudrait que tu organises tes réunions pour pratiquer… » La coach avait toujours des suggestions pour pousser plus loin, dépenser plus, dont acheter des goodies tout le temps.
Dès la planification du premier module de formation, tout est prévu pour mettre sous emprise. Le 1er module est divisé en 3 parties réparties au total sur un an et demi. Alors que cela aurait très bien pu tenir en une journée ou deux de formation au total. Cela était fait exprès pour qu’entre chaque partie du module, j’ai des exercices de mise en pratique, il fallait que je m’entraîne, que je prenne des notes…et que je me force à être la « bonne élève » avec des devoirs à faire sur lesquels j’allais être questionnée dans la partie suivante.
Et ça, c’est un point de vigilance à avoir sur des formations qu’on nous propose. Cela permet d’instaurer dans le temps une emprise, de fidéliser, d’ancrer encore plus dans le cerveau des gens les croyances. Entre chaque partie, il faut lire, prendre des notes dans un carnet, regarder des vidéos sur le sujet, s’informer pour être meilleur, pour réussir la partie suivante. Si la formation avait été bouclée en 2 jours, ce qui aurait été possible, j’aurais été moins entraînée là-dedans…
Un autre critère qui m’a alertée à l’époque, mais pas suffisamment (maintenant je le vois mieux depuis que je m’informe sur les dérives sectaires), est que c’est un système pyramidal. C’est-à-dire que pour progresser et devenir formateur/formatrice dans ce domaine, et pouvoir revendiquer que tu as une compétence dans ce domaine, il faut absolument que tu ouvres ton groupe de paroles, que tu organises des ateliers de CNV et que tu formes plusieurs personnes.
Sans aucune préparation à accueillir toute sorte de paroles qui émergent dans ces groupes ! J’en prends davantage conscience aujourd’hui, surtout depuis que je travaille dans l’accompagnement des victimes de violences. Pour recevoir la parole des victimes, ce n’est certainement pas la communication non violente qui va aider !
C’est surréaliste d’encourager les personnes à tenir des groupes de paroles comme ça, alors qu’on pourrait avoir dans notre public des personnes qui pourraient nous parler d’expériences extrêmement graves, qui tombent sous le coup de la loi, alors qu’on n’est pas du tout formés pour ça par la CNV ! C’est hallucinant ! C’est nous mettre en danger nous, de créer ces groupes de parole. Et c’est aussi mettre en danger les personnes qui interviendraient dans ces groupes, qui risqueraient de subir des propos et une prise en charge pas du tout adaptés à leur parole, à ce qu’elles pourraient dire. Donc c’est extrêmement dangereux et potentiellement destructeur.
Et pour revenir au système pyramidal, je l’ai vu auprès d’autres personnes qui m’ont parlé de ces formations, à une époque où j’avais pris mes distances. Elles me témoignaient que X organisait des groupes de paroles et qu’il fallait introduire d’autres personnes. Il y a un recrutement…parce que les coachs y sont poussés pour avoir la certification. On est encouragés à faire du prosélytisme.
Pour dire à quel point c’est vraiment une dérive : pendant les un an et demi où elle m’a formée sur les trois parties du module 1, et où j’étais en confiance avec elle, ma coach m’a parlé de faire une retraite dans le silence total en Allemagne. Ce n’était pas à proprement parlé une proposition, car elle essayait de me convaincre de pratiques comme les retraites, le jeûne, la méditation de pleine conscience, le véganisme, et le yoga. Tout ce à quoi elle s’astreignait. La retraite en Allemagne avait un coût que je ne pouvais pas me permettre, mais comme j’étais curieuse, j’ai décidé d’essayer de le faire à ma manière. Je me suis organisée pour faire une retraite de 3 jours dans le silence total : pas d’échange par téléphone, pas d’internet, pas un mot…chez moi ! Dans mon salon…
Donc, je l’ai fait. Et je me suis rendue compte que ça faisait ré-émerger toute sorte de souvenirs dont des traumas. Je suis vraiment restée dans le silence total pendant 3 jours pleins. Je n’ai communiqué avec vraiment personne. C’était une situation très particulière que je n’avais jamais vécue avant. Heureusement que j’avais déjà fait un travail sur moi et sur mes traumas. Parce que je me rends compte maintenant que c’est extrêmement dangereux de préconiser ce genre de pratiques auprès de personnes qui pourraient potentiellement très mal le vivre, de voir ressurgir des souvenirs enfouis, et qui pourraient se retrouver dans une détresse psychique avec cette injonction très coercitive de ne parler à personne ! C’est une mise en danger ! Parce que les personnes se retrouveraient dans un isolement total.
Avec aucun numéro d’urgence à appeler, aucune préconisation pour dire « si jamais tu te sens mal, arrête, et appelle quelqu’un ! Si jamais tu as des souvenirs violents qui te reviennent, arrête, et appelle quelqu’un. » Il n’y a RIEN : aucune préconisation de faite pour la santé mentale des personnes !
On va leur dire cependant : il ne faut pas échanger par SMS, ne pas communiquer par téléphone, ne même pas aller sur Internet…donc rester vraiment totalement coupé du monde pendant 3 jours.
Un dernier point concernant la CNV. J’ai arrêté après le premier module parce que ça ne m’intéressait pas de poursuivre et je trouvais que c’était vraiment lourd et cher payé pour ce que c’était, parce que ça ne casse pas des briques…Je ne voyais pas non plus de bénéfices ni dans ma pratique professionnelle, ni dans ma vie personnelle…Et même au contraire, j’aurais pu m’embrouiller très gravement avec des gens autour de moi à cause de la CNV. A titre personnel, le seul truc que ça m’a apporté, c’est d’être plus à l’écoute de mes émotions. Mais bon…est-ce que j’avais vraiment besoin de la CNV pour ça ? Je ne le crois pas. »