Certaines formations de thérapies alternatives, parce qu’elles ne sont pas encadrées, sont le lieu de comportements, discours qui amènent à de sérieuses dérives sectaires, une manipulation et une emprise mentale. Le témoignage qui suit ( sur une formation en mémoire cellulaire) fait parti de ceux qui montrent à la perfection les actes dérivants d’emprise mentale qui peuvent exister dans les milieux alternatifs, sous couvert qu’on a besoin de se “nettoyer”, de souffrir pour évoluer, et que sais-je encore… Quels éléments doivent retenir votre attention dans ce témoignage ?
- L’emploi du terme “formation”, largement utilisé dans les milieux alternatifs pour faire penser que le contenu est sérieux, cadrée, homologué. En réalité ce terme trompe plus qu’autre chose les potentiels clients qui ne savent pas où ils mettent les pieds et qui sont bernés par l’emploi de ces mots. Les milieux alternatifs emploient également d’autres mots qui font penser à quelque chose de professionnalisant : diplôme, professionnalisation, tutorat, reconversion professionnelle, année de spécialisation, certification, séminaire etc…
- Le contenu d’un stage d’une formation qui n’est pas dévoilé en premier lieu. Le résumé du contenu est écrit de telle façon en enjoliver, donner envie, mais on ne sait pas avec précision ce qu’il sera demandé d’effectuer.
- Prôner voire exiger une confidentialité totale sur ce qui se passe qui coupe complètement la personne d’une possibilité d’un avis extérieur et éclairé sur leurs pratiques douteuses. Cette confidentialité est une pratique courante. Les participants ont interdiction de parler de ce qu’il se passe en lieu clos à leur entourage, la peur est souvent utilisée pour dissuader de parler : “ les autres ne vous comprendront pas”, “ les bénéfices seront moindres” etc…
- Le mécanisme du déroulé de « formation / séminaire », comme la mise en fragilité extrême, qui sur le plan psychologique est totalement déviant et certainement très bien orchestré et rythmé (privation du consentement, violence psychologique qui induit la sidération et tout le reste, notamment l’impossibilité de remettre en question)
- La pratique courante des réductions possibles uniquement si on se décide vite à l’achat et si on prend des packages de formation pour avoir des réductions dont on ne pourrait pas bénéficier autrement. Tout cette technique joue sur l’empressement et la peur de manquer quelque chose d’exceptionnel. L’état d’urgence à acheter quelque chose que l’on risque de manquer nous coupe de notre discernement et d’une action plus réfléchie. Le coût élevé d’une formation est tellement engageante financièrement que l’on n’ose plus reculer.
Témoignage : Formation à haut potentiel sectaire
J’ai progressivement commencé à m’intéresser au développement personnel : la fameuse quête de sens. La vie a mis sur ma route deux thérapeutes qui sont devenues des amies. J’ai eu envie moi aussi d’aider les autres, ce à quoi j’avais d’ailleurs toujours aspiré via mon emploi. J’étais à un moment de ma vie fragilisée par divers changements, j’étais donc une éponge : je lisais, écoutais, regardais tout ce qui pouvait concerner le développement personnel et je testais biensur beaucoup de « thérapies » : magnétisme, hypnose, médecines chinoises, etc.
Et puis forcément, j’avais envie d’être une « meilleure version de moi-même », de ne plus reproduire les mêmes schémas qui m’avaient amenée à vivre et répéter les mêmes traumas.
C’est dans ce contexte que j’ai découvert la « mémoire cellulaire » portée par un petit livre format poche acheté à la Fnac.
Le livre me parle, la méthode est un petit peu floue mais l’auteur y conte des prises de conscience incroyables à travers les témoignages des « patients ». Je me renseigne sur internet, découvre les différentes formations pour être à son tour thérapeute. Visiblement c’est à la portée de tous, pourquoi pas.
Je décide de prendre rendez-vous avec le thérapeute le plus proche de mon domicile.
Première séance – Première approche avec la mémoire cellulaire
Je suis accueillie par une personne charmante et enveloppante. Le tutoiement est de rigueur, je suis surprise. 15 minutes après mon arrivée dans son cabinet et lui avoir expliqué brièvement ma motivation et un petit bout de mon parcours, elle m’explique que l’un de leur cursus de 2 ans est idéal pour moi car « il correspond exactement à ce dont j’ai besoin ». Je suis à nouveau surprise car il me semblait avoir lu sur le site internet de l’école qu’il fallait avoir fait plusieurs séances pour que la Responsable de la « formation » puisse envisager de nous intégrer dans le cursus. Ma séance n’avait même pas réellement commencé…
Emballée à l’idée d’avoir enfin trouvé l’aide dont j’avais besoin et l’opportunité de me reconvertir professionnellement j’ai fait les démarches pour obtenir un devis pour le cursus le plus complet. Un séminaire préalable ayant lieu quelques mois plus tard était fortement recommandé pour ne pas dire obligatoire (plus de 1000 € à lui tout seul).
J’ai beaucoup hésité à signer le contrat car le montant global pour l’ensemble du devis s’élevait pour les prestations que j’avais choisies à plus de 10 000 € et m’engageait pour 3 ans alors que je n’avais pas d’emploi stable. Mais le cumul des formations permettait d’avoir une réduction progressive à laquelle je n’aurais plus accès ensuite. Et par ailleurs, pour la rendre accessible au plus grand nombre, ils offraient des facilités de paiement idéales avec un échelonnement des paiements. Ça fait passer la pilule.
Cette somme était absolument astronomique pour moi. Je me suis donc renseignée pour savoir ce que valait ce cursus, s’il y avait des retours d’expérience et je n’ai absolument rien trouvé (hormis les commentaires des différents livres de l’auteur), ce que j’ai pris pour un bon signe tout en restant malgré tout sur mes gardes.
Par ailleurs, les brochures de qualité me laissaient à penser, à tort, que j’avais à faire à une formation sérieuse et à des professionnels de la formation pour adultes.
J’ai donc signé le devis…
Séminaire
Et j’ai vite compris lors du séminaire que l’on était très loin de la formation que je m’étais imaginée, classique, assis derrière des bureaux à recevoir un enseignement comme j’en avais eu l’habitude dans mon parcours professionnel.
A partir de ce moment-là et pour les 2 années qui ont suivi, j’ai donc plongé dans un univers très particulier, avec des rituels systématiques à chaque entrée dans la salle de « formation », chacun en file indienne (procession), en silence sur fond d’une musique souvent très lourde avec des remontrances lorsque le silence n’était pas respecté, etc. J’ai été très choquée la première fois car j’étais très loin d’imaginer un tel processus avant de venir mais comme cela ne semblait pas choquer les autres personnes du groupe, je me suis pliée aux règles.
Avec le recul, je ne sais pas comment j’ai fait pour enchainer avec les deux années de formation vu la teneur de ce fameux séminaire d’une semaine. Enfin, si je sais, j’étais tenue par l’énorme devis signé… Et c’est à partir de là que s’installe la dérive.
Le contenu de ce séminaire, comment le décrire… Une semaine que j’ai vécu comme de la violence à l’état pur. Nous sommes un petit groupe. Il repose après quelques enseignements dispensés par les fondateurs, sur un gros temps fort par lequel chaque participant doit passer « pour renaître à soi ». La grosse blague quand j’y pense…
Ce temps fort consiste à travailler sur un souvenir, le souvenir le plus douloureux de notre enfance. Une consigne nous est donnée un soir nous demandant d’aller chercher ce souvenir, de le décrire et de se présenter avec le lendemain. Nous n’en savons pas plus, nous ne savons absolument pas ce qui va se passer. Et heureusement, car quand on le découvre après le passage de la première personne, nous rentrons tous dans une angoisse énorme de voir notre tour arriver.
Au milieu de la semaine, ça commence. Nos prénoms sont inscrits sur des papiers et tirés au sort les uns après les autres par le dernier participant mis en scène. La première personne est appelée. Elle a choisi de décrire une scène où elle est frappée par l’un de ses parents dans son enfance. Elle doit décrire son souvenir. Rien qu’à la description du souvenir j’ai froid dans le dos. Quand je comprends, qu’on va le lui faire mettre en scène… je ne peux même pas décrire ce qui se passe dans ma tête.
Pire, on lui demande de choisir parmi nous les personnages de la scène qu’elle a choisi de relater !!! Donc non seulement ça va être une torture pour elle mais en plus, nous devons y participer ! La justification du staff est que « l’énergie fait bien les choses », nous ne serons pas choisis par hasard (nous ne connaissons pas nos histoires / vécus personnels à ce stade). Si nous sommes choisis, c’est qu’il y a quelque chose qui résonne forcément avec notre propre histoire. Ba voyons…
Et où se trouve le staff ? Un peu comme à la « star academy », Derrière des bureaux face à nous, parce que oui, eux, ont le droit au confort d’une table pour prendre des notes, poser leur bouteille d’eau, etc. Nous, lorsqu’il y a des enseignements, nous tenons péniblement notre cahier sur nos genoux. Ce sont des chaises sur lesquelles tenir 7h pendant une semaine n’est pas simple mais bon, ce n’est rien à côté du reste…
Donc, le « spectacle » commence. Par chance, je n’ai pas été choisie pour jouer un des rôles. On fait donc rejouer à cette personne la scène où elle se fait humilier et frapper, on lui fait revivre son souvenir d’enfance le plus douloureux. Elle est en pleurs et c’est peu de le dire. Je crois qu’il y a des cris et hurlements mais si ce n’est pas dans son cas, ça le sera lors d’autres passages. Et ça s’enchaine, scènes de maltraitance ou violence les unes après les autres. une personne brûlée au fer à repasser par un de ses parents pendant l’enfance, l’accident dans lequel se trouvait l’un des stagiaires et dans lequel a péri une partie de sa famille et la liste est longue…
Une horreur donc pendant 2,5 ou 3 jours. Je vous laisse chercher votre souvenir le plus douloureux, imaginer qu’il va être mis en scène devant et avec de parfaits inconnus sous l’œil de plusieurs personnes qui vous observent. Tout cela, sans en avoir été prévenu au préalable (donc sans réel consentement). Je vous laisse imaginer être malheureusement choisi pour jouer une personne qui en frappe une autre, le parent qui violente son enfant (et on vous fait rejouer autant de fois la scène tant que vous ne collez pas à la réalité du souvenir de la personne : est-ce qu’il a bien levé la main comme ça, il était bien positionné à cet endroit, etc.).
Comment peut-on imaginer un tel déroulé de « formation » ? Et surtout imaginer le mettre en scène sans avertir les personnes de ce qu’elles vont subir ? Mais en même temps, ça fait partie du jeu. Ah et oui, chose importante, il nous est biensûr interdit, sous prétexte de confidentialité, de parler du contenu de ce séminaire a qui ce soit après. L’autre prétexte est de ne pas « spoiler » les futurs participants, ne pas les effrayer plutôt, mais ça, je ne peux le dire qu’avec le recul que j’ai aujourd’hui.
Parce qu’au départ, absolument rien n’oriente et ne laisse entrevoir ce que l’on va vivre durant ces quelques jours. Rien.
A partir de ce moment-là, l’ascendant sur vous est énorme car vous vous êtes confié sur votre douleur la plus intime et vous avez consenti à subir et participer à tout ça car votre motivation de base est saine : aller mieux, trouver un sens profond à ce qui vous fait reproduire les mêmes schémas pour en sortir définitivement.
Je laisserai les spécialistes en faire l’analyse mais pour avoir moi-même été victime d’agressions, c’est un mécanisme que je connais bien : le détournement ou la privation du consentement, la sidération, la soumission, etc.
Dans toute cette emprise qui est entrain de se tisser insidieusement, il y a un fort soutien qui se met en place progressivement entre nous tous, les « stagiaires ». Il faut dire qu’en dehors des moments de « formation », nous ne sommes pas avec le staff. Ils prennent leur repas à part et nous ne les voyons pas ou peu.
En dehors de ces séances que j’ai vécu comme de la « torture psychologique », le groupe est donc très chouette. Et heureusement car c’est ce qui nous fait tenir ! Nous avons été bien choisis pour cela. Il y a de la bienveillance, de la douceur entre nous autant que possible car certains vivent vraiment mal l’expérience et sont plus en retrait et on le comprend aisément. Je fais des rencontres fortes, avec des personnes avec qui l’on se comprend presque d’emblée, forcément, nous avons la même source de motivation, souvent des blessures extrêmement similaires et un parcours sur lequel à un moment donné nous avons tous vécu des événements traumatisants voire traumatiques.
Après ces jours de « mise en pratique », il nous est demandé de garder le silence toute une soirée (dîner compris) et toute une matinée (déjeuner compris). Idéalement, nous ne devons pas non plus contacter notre famille.
Malgré la violence psychologique vécue et ressentie que l’on nous fait traverser avec des méthodes douteuses, je suis repartie du séminaire ravie et persuadée qu’il fallait en passer par là pour aller mieux sur le long terme.