Ce témoignage a été envoyé par une abonnée de ma page Instagram. Elle y raconte sa quête de sens et sa rencontre avec le chamanisme …
» J’avais besoin de sens, j’avais besoin d’expérience extraordinaire, j’étais en quête de transcendance, j’avais besoin de réponse mais n’étais pas satisfaite complètement avec mes séjours au sein des abbayes chrétiennes. C’était bien, mais….
La spiritualité païenne avait l’air tellement mieux, avait l’air moins intellectuelle, moins éthérique, plus en accord avec mes convictions écologiques de l’époque. Je croyais encore à ce mythe de la nature nourricière, bienveillante, notre mère à tous. J’étais fan de Pierre Rabhi. En même temps, je compatissais au sort tragique des amérindiens, plus proches, naïvement je pensais, de la vérité.
Une amie m’a fait venir dans une association de chamans en Bourgogne et ce fut la révélation. Les rituels en pleine forêt, basés sur des rituels amérindiens, entourés de personnes qui n’avaient que les mots de « gratitude » et « bienveillance » à la bouche m’ont séduite de suite. Je souffrais d’anxiété et de lombalgies. Il y avait la promesse de trouver aussi des solutions à mes problèmes personnels tout en me reconnectant à un savoir authentique.
Le chaman avait beaucoup de charisme, brillant intellectuellement. Il m’enseignait des théories fascinantes, donnait des explications aux épreuves que notre humanité affronte: maladies, problèmes psy, destinées tragiques, le tout avec une perspective messianique basée sur la prophétie algonquine des Sept feux : le monde allait se réveiller pour retrouver le respect et l’amour. Et nous étions les précurseurs. Ce fut une époque très stimulante et je ne regrette rien.
Mais peu à peu, un phénomène d’emprise s’est mis en place. Dans ces stages, quelque soit l’intitulé, finalement, ce à quoi le chaman-chef nous ramenait toujours, c’était notre ombre, notre « boîte à caca » comme il la nommait. Qu’il fallait nettoyer inlassablement pour retrouver notre lumière et aller vers une destinée meilleure et libérée. Il était doué pour nous faire mettre au jour des vies antérieures sanglantes et humiliantes. Dont il serait difficile de venir à bout. « Ce qui ne revient pas à la conscience, revient sous forme de destin », c’était l’une de ses phrases. Il avait l’art de nous faire accoucher de choses difficiles mais en nous laissant seuls ensuite avec.
Sa théorie: il faut s’en sortir seul, ne pas aller chercher de l’aide à l’extérieur, sinon, c’est vampirisé une autre personne car nous étions tous des vampires inconscients. Il était spécialiste des sentences sibyllines sans donner d’explications. Et nous rentrions chez nous avec notre fardeau, la tête en vrac, remplis de culpabilité d’avoir failli dans une vie passée et avec l’obsession de travailler encore plus dur pour obtenir la guérison. Et donc revenir au plus vite dans un nouveau stage pour nous alléger.
Mais stage après stage, c’était toujours la même histoire, cette « boîte à caca » qu’il fallait nettoyer. J’ai commencé à en avoir marre de plonger toujours dans la merde. Car la vie est belle aussi, non ? Et des tensions se sont fait jour. Les fortes têtes ne devaient pas dépasser du troupeau, il ne fallait pas le contredire ou lui mettre sous le nez un endroit où il aurait failli, sinon, il se mettait à nous ignorer. A nous reprocher des travers – imaginaires, aujourd’hui, je le sais. Il avait ses favoris à qui il donnait des bons points. Tiens, au cour d’un voyage chamanique, il voit un beau destin de guérisseur à telle personne. Tiens, c’est marrant, c’est une personne réservée, discrète, qui ne l’a jamais remis en cause. Et nous, les autres, nous attendions désespérément un mot de sa part pour savoir quel grand destin nous attendait mais rarement cela venait. (Oui, je confesse, mon égo rêvait qu’on me révèle de grands pouvoirs aussi….).
Un sentiment d’injustice s’installait. Et il y a eu le stage de trop. Nous étions plusieurs à l’incommoder et il a fait preuve d’une pure maltraitance psychologique non dissimulée (mais je n’entrerai pas dans les détails.) La révolte a grondé, nous sommes plusieurs à avoir claqué la porte. Il est allé trop loin. Il a montré son vrai visage. Nous étions encore capables de discernement.
Aujourd’hui, je me rends compte qu’il était surtout un fin psychologue, plus qu’un chaman. Il savait détecter au flair nos fragilités et en jouait. Il avait su acquérir un grand savoir et nous le restituait comme si cela lui avait été transmis par le monde des esprits. Je ne suis plus dupe. Avec le temps, je vois aussi que des prédictions qu’il nous a faites, le concernant, concernant chacun d’entre nous, rien ne s’est réalisé. C’était un mauvais voyant. Et de tous les gens avec des maladies, aucun n’est reparti guéri. J’ai pris mes distances avec le chamanisme. Un deuil violent qui a mis à terre mes convictions m’a aidée aussi à prendre du recul.
Aujourd’hui, je reste intéressée par les idées, je continue de suivre l’actualité de ce milieu mais je refuse toute pratique. Je n’oublie pas que j’ai quand même vécu des expériences déroutantes, qui interrogent, mais je reste prudente. Je crois toujours en l’existence d’un monde invisible, d’une réalité autre, mais je sais qu’il me sera impossible d’en connaître la teneur exacte. Je suis redevenue une sorte d’agnostique. Et mon besoin de célébration et de reliance, je l’assouvis au sein des rites chrétiens basiques, dénués de magie et d’extravagance. Je suis revenue à une vie traditionnelle où je fais mes courses sans culpabiliser au supermarché du coin, où je mange du lait et de la viande (mes convictions écolo ont aussi volé en éclat, mais les deux mondes sont liés), je regarde les chaînes tout info pour connaître le monde qui m’entoure, je suis abonnée à Netflix pour me divertir, j’ai acheté le dernier Iphone car le précédent menaçait de s’éteindre définitivement. Et je pars en vacances à la mer où je m’offre des glaces et des moules-frites au milieu de plein de Parisiens.
Et je me sens mieux dans ma vie car je fais des choses qui sont justes pour moi. Je réintègre le monde dans lequel la vie m’a placée et avec lequel je me sens solidaire désormais. Nous avons été plusieurs à douter de nos parcours professionnels, il fallait réaliser ce que nos coeurs nous dictaient et non plus se soumettre à un boulot vide de sens (mais j’étais bien dans ma boîte en fait, je suis même une super chanceuse d’être arrivée là où je suis professionnellement). Certaines femmes s’étaient mises à douter de leur couple. (Bah oui ! Le masculin oppresse depuis la nuit des temps le féminin qui ne peut pas s’exprimer.)
Aujourd’hui, je suis contente d’être libérée d’un carcan de dogmes. Aussi bien écolo que spirituel. J’essaye de faire du mieux que je peux avec ce que je suis aujourd’hui. J’ai renoncé aussi aux enseignements d’un homme-médecine canadien. Plus authentiques. Sans emprise. Que j’aimais beaucoup. Mais un jour, j’ai eu une prise de conscience existentielle. Que faisais-je là à des milliers de kilomètres de mon pays à honorer et célébrer les divinités d’un culture qui n’était pas la mienne ? Qui s’occupent des miens en attendant ? Et j’ai cessé d’idéaliser les autochtones canadiens et par la même de rabaisser ma propre culture. J’ai préféré réintégrer mon histoire et celle de mon pays. Et si Dieu existe, je finirai de toute façon par le rencontrer un jour. Mais ne soyons pas trop pressés